Article paru dans Question de Parents d'octobre/novembre 2013
Nombreuses
sont les femmes qui créent leur entreprise, souvent à la naissance
de leurs enfants. Ce phénomène des mamans entrepreneuses s'est
d'ailleurs accéléré dans les années 2000. Décryptage de cette
tendance, avec
conseils et pièges à éviter, pour réussir ce qui ressemble
souvent à une renaissance professionnelle.
« 30%
des créateurs aujourd'hui sur la métropole lilloise sont des
femmes, dont 10% dans les secteurs industriels ou liés à
l'innovation technologique. Les femmes préfèrent investir dans le
tertiaire, la formation, l'ingiénérie, l'aide à la personnes, les
crèches ... »
explique Isabelle Hottebart, présidente du réseau Femmes Chefs
d'Entreprises de la CCI-Grand Lille. Pour Samira Lahreche, du Cabinet
conseil en création et reprise d'entreprise InnComm, situé à
Marquette, « Ce
sont aussi des femmes pour qui une passion devient l'objet de
création, notamment dans la couture, la pâtisserie, les bijoux
... Et cela va de 18 à plus de 60 ans !»
D'ailleurs,
l'INSEE constate une hausse des femmes créatrices d'entreprises
individuelles : « En
2012, 38 % des entreprise individuelles ont été créées par
des femmes alors que dix ans plus tôt cette part était de 34 % ».
Selon l'Institut, une des raisons s'explique par la création du
régime d'auto-entrepreneur. On peut rajouter également comme
causes, le développement de l'économie marchande sur internet et
des structures d'aide à la création au féminin.
Freins
sociaux
Dans
le contexte économique actuel, est-ce plus difficile de créer
qu'avant ? « Non,
et malgré la crise, les freins ne se sont pas durcis. Par contre, le
poids social est toujours aussi important. Nous vivons dans un monde
du travail créé par et pour l'homme.»
précise Isabelle Hottebart. Dans leur projet de création
d'entreprise, les femmes doivent en effet faire face à de nombreuses
difficultés qui leur sont spécifiques. Elles ne sont pas encore
assez bien considérées comme chef d'entreprise. On les imagine
davantage comme mère et épouse. Il faut également concilier
création d'entreprise, vie personnelle et vie familiale, ce qui est
un vrai défi en soi. Forcément, les femmes sont moins présentes
au sein de leur famille, au début d'un projet de création ou de
reprise. Elles ont alors tendance à plus culpabiliser que les
hommes par rapport aux enfants.
Autre
point noir soulevé par une étude de 2012 de la
Skema,
ecole supérieure de commerce de Lille,
(menée par l'enseignante-chercheur Stéphanie Chasserio)
sur les femmes chefs d'entreprises : l'accès au financement. Il
n'est pas rare que le banquier demande une caution du mari. Souvent
les femmes ont une mauvaise connaissance des modalités de
financement des entreprises et ont tendance à être sous-financées.
Enfin, l'environnement familial peut être un frein à
l’entreprenariat comme le soulignent les chercheurs de la Skema :
le non soutien du conjoint est un facteur clé d'échec car
généralement, ce sont les femmes qui s'occupent des enfants et de
la maison.
Stratégie
de réussite
Face
à ces haies d'obstacles, les femmes déploient des stratégies pour
réussir. Loin de l'image vieillotte des réunions type Tupperware,
elles mettent tout en œuvre pour professionnaliser au maximum leur
nouvelle activité. Certaines n'hésitent pas à investir les réseaux
professionnels souvent trustés par les hommes. Elles intègrent
également des réseaux de femmes pour faire du partage d'expérience
et se former, concourent à des prix d'entreprenariat, participent à
des congrès. Pour Isabelle Hottebart, « Les
femmes doivent transformer leur handicap social de départ en
avantage ! Et la création d'entreprise repose sur trois piliers : le
conseil, le financement et le réseau. »
Selon elle d'ailleurs, il n'y a pas de statut à privilégier :
entreprise individuelle, SARL, statut d'auto-entrepreneur, portage
salarial ... tout dépendra de la nature du projet. Il est possible
aussi de se lancer via des couveuses, des ruches, des incubateurs,
des pépinières d'entreprises. Le conseil est en tout cas essentiel
pour identifier les phases clés de la création d'entreprise, comme
le souligne Guillaume Cairou, PDG du groupe de portage salarial
Didaxis, installé à Lille : « Le
conseil aide à structurer entre autres une offre de service ou de
produit différenciante, trouver le bon prix, communiquer
efficacement via les réseaux classiques et sociaux et réaliser un
bon business plan. »
Nombreuses
sont les structures qui proposent un conseil complètement dédié
aux femmes créatrices d'entreprises comme le Cabinet InnComm :
«Au-delà des questions que se posent une créatrice - comment
valider une idée ? Quel statut juridique ? Quels sont les besoins
financiers ? - ce genre de formation travaille également sur la
confiance en soi des femmes. Il faut lever certains freins à la
création, leur donner confiance en elles. C'est incroyable comment
en quelques semaines, on les voit changer ! A l'issue de la
formation, un tiers créé leur entreprise. » explique
Samira Lahreche qui annonce par ailleurs le lancement d'une nouvelle
formation : «Prochainement,
sur le site
Www.inncomm.fr,
sera proposé du e-learning sur la création/reprise
d'entreprise. C'est idéal pour toutes celles qui n'ont pas de
voiture ou qui ne peuvent pas se déplacer avec des enfants en
bas-âge. »
Une
fois l'entreprise créée, ne pas oublier qu'il faut passer la
seconde étape de croissance, entre les 3 à 5 ans de l'entreprise,
ce qui nécessite souvent un nouvel apport financier et un
renforcement du développement commercial. Anne Henry-Castelbou
Encadré
1 : Se former et se faire conseiller
Vous
avez une idée de création d'entreprise mais vous ne savez pas par
où commencer. Sachez que notre région a beaucoup investi pour aider
les porteurs de projet :
*
Salon
Créer
: du 16 au 18 septembre 2013 à Lille Grand Palais avec une journée
dédiée aux femmes le mardi 17 septembre. Le réseau FCE en
profitera pour lancer au stand de la CCI, le trophée « Elles
créent en Nord-Pas de Calais » qui récompense les femmes
chefs d'entreprises. Dossier à déposer avant le 31 octobre, remise
des prix le 19 novembre. Www.saloncreer.com
* Le site
Www.jecree.com,
fondé entre autres par le Conseil Régional, recense tous les
organismes de conseil (Boutique de Gestion, Chambre de commerce,
Chambres de Métiers), les organismes de financement (ADIE, Autonomie
et Solidarité …), les partenaires spécialisés (AFPA, Cigales …)
et d’autres adresses utiles. Il oriente chaque porteur de projet
vers un des 120 partenaires de la création d’entreprise. Tel :
0 811 00 59 62
*
« 5 jours pour entreprendre », formation
organisée par la CCI qui met à votre disposition des experts. Étude
de cas, exercices pratiques sur l'étude de marché, la stratégie,
la forme juridique, il est même possible de venir avec un projet
personnel pour recueillir l'avis des experts. Calendrier sur le site
Www.grand-lille.cci.fr
ou tel : 03 20 63 77 77.
Bibliographie
:
Créer
son entreprise, de Pascal Le Guern et Guillaume Cairou aux Editions
Jacob-Duvernet
Le
guide des Mompreneurs, de Valérie Forger aux Editions Eyrolles
Encadré
2 :
Conseils et aides financières
dédiés
aux femmes
Voici
quelques cabinets privés et associations qui accompagnent les femmes
à la création d'entreprise, chacun avec leurs spécificités,
parfois gratuitement :
Tremplin
pour les femmes :
03 59 09 64 32
Www.talhency-rh.fr
à
Roubaix.
D'un
point de vue financier, il existe le Fonds
de Garantie à l'Initiative des Femmes (FGIF)
: Il garantit 70% d'un prêt bancaire à moyen terme (dans la limite
de 27 000 euros), pour toutes entreprises créées ou reprises depuis
moins de 5 ans par des femmes. Formulaire à télécharger sur
Www.franceactive.org.
Encadré
3 : Les réseaux au féminin
Les
femmes aujourd'hui sont en demande de convivialité et d'échange sur
ce qu'elles vivent en tant que créatrices. C'est pourquoi des
réseaux au féminin se sont créés. Il est néanmoins judicieux de
les comparer avant de les intégrer : quels sont leurs objectifs ?
Quelles entrepreneuses y participent, dirigeantes de TPE ou PME ?
Quel est le coût d'adhésion ? Les activités proposées
répondent-elles à mes besoins ? Sont-elles compatibles avec mon
emploi du temps ? ...
Citons
notamment sur la métropole lilloise :
FCE,
Femmes Chefs d'Entreprises : Www.fcefrance.com
03 20 63 77 77 à
Bondue.
Réseau
Exponentielles
:
Www.reseau-exponentielles.org 06 10 55 63 37
à Marquette.
Mampreneurs
:
Www.les-mompreneurs.com
06
62 86 79 34 à
Lille.
Cette
dernière association est en plein renouveau, comme l'explique sa
responsable régionale Sandrine Vigne : «Nous
sommes en train de relancer les Mamcafés hebdomadaires, qui se
passent souvent à Lille. Le calendrier est sur notre site. Le but
est de mieux nous connaître entre créatrices d'entreprises,
d'échanger sur nos compétences, de s'entraider. Et à chaque fois,
un intervenant extérieur vient développer une problématique en
lien avec la création d'entreprise : un conseil en image, un conseil
juridique …. La cotisation annuelle est de 60 euros. Il y a
également un rendez-vous national avec l'ensemble des associations.
Et le site se veut être un show-room des activités de nos
adhérentes.»
Encadré
4 : Petits conseils de mamans chefs d'entreprises :
La
création d'entreprise demande beaucoup d'énergie et d'organisation.
Alors, autant éviter certains écueils :
Il
est important de ne pas se précipiter, tout en faisant confiance à
ses intuitions. Le congé parental peut être un bon moment pour
faire murir une idée de création. La mise en oeuvre peut se faire
ensuite dans le cadre d'un congé sabbatique ou un congé de création
d'entreprise.
Prévoir
du temps pour travailler son projet en se bloquant des heures,
lorsque les enfants sont en classe ou à la crèche par exemple.
Ne
pas rester seule : veiller à avoir le soutien de la famille proche
pour être encouragée et ne pas hésiter à la consulter pour avoir
un regard critique sur votre projet. Une fois l'entreprise créée,
intégrer un cercle de femmes chefs d'entreprises peut être
stimulant.
Lorque
l'entreprise est lancée, ne pas culpabiliser par rapport à la
famille et anticiper une organisation adaptée, avec une personne qui
vous aide pour s'occuper de la maison et des enfants. Garder un pied
dans la vie de l'école si cela vous fait plaisir. Et faites de vos
relations familiales des moments qualitatifs, en étant à 100%
présente durant ces instants-là!
Et
ne pas oublier qu'être une femme peut être souvent avantageux en
matière de négociation!
Témoignages
« Le
plus compliqué est de gérer au mieux sa vie personnelle et sa vie
professionnelle »
Marie
Jestin,
de la crèche Aux
P'tits Mômes
à Lambersart, 37 ans, maman de deux enfants de 8 et 2 ans.
Cette
ancienne chef de projet informatique chez Cap Gemini ne s'y
retrouvait plus : « J'avais
un emploi du temps chargé avec beaucoup de déplacements. A la
naissance de mon second enfant, j'ai réfléchi pour me rendre plus
disponible pour ma famille ».
Elle réalise alors un bilan de compétences : « J'étais
fortement intéressée par une activité en lien avec les enfants,
avec beaucoup de relationnel, dans laquelle je pouvais avoir le
sentiment de rendre service. Le bilan de compétences a validé
mon projet de micro-crèche, seule catégorie de structure de petite
enfance qui peut être ouverte si on n'est pas puéricultrice ou
infirmière.»
Après deux ans de préparation, la crèche a été ouverte en
janvier 2013. « Le
plus compliqué est de gérer au mieux sa vie personnelle et sa vie
professionnelle : j'ai l'impression de ne jamais quitter l'entreprise
dans ma tête ! J'ai l'esprit toujours occupé par les tracasseries
du quotidien, j'ai du mal à prendre du recul !»
«Je
profite mieux de ma famille. »
Lysa
Demora,
de la boutique Bout'Shoes
de chaussures enfants, à Croix, 28 ans, maman de deux enfants 4 ans
et bientôt 2 ans.
Lysa
Demora a toujours eu envie d'ouvrir un commerce, dans la mode pour
enfant. Après une formation en vente et une expérience chez Mac
Arthur Glenn, elle ouvre en janvier 2012 sa boutique. A 28 ans,
après la naissance de son deuxième enfant, elle s'est sentie prête
pour le faire. D'ailleurs, la maternité lui a certainement permis de
réaliser une boutique en phase avec les attentes des clients : des
couleurs chatoyantes, de la place pour accueillir les familles, un
coin pour dessiner pour les petits, et bien sur les présentoirs de
chaussures. Notre commerçante est ravie : «
J'adore le contact avec les clients et les enfants … même si je
dors moins bien car c'est tout de même beaucoup de soucis ! Par
contre, je profite mieux de ma famille. Pour la fête d'école de fin
d'année par exemple, je me suis permise de
fermer la boutique le samedi après-midi.
J'ai prévenu une semaine à l'avance, dans le magasin et sur
Facebook, les clients ont été compréhensifs. »
« Un
renouveau professionnel qui donne du dynamisme !»
Blandine
Bonte,
du cabinet de communication et développement personnel BlanCom
à Hem, maman d'une enfant de 8 ans.
Après
30 ans d'expériences en entreprise dont 18 dans le secteur de la
Vente A Distance, Blandine Bonte, 50 ans, a senti que c'était le
moment de se mettre à son compte. “Suite
à un bilan de compétences et une formation de
formateur pour adultes en 2011, j'ai suivi différents stages. En
septembre 2012, je me suis installée comme auto-entrepreneur, avec
un accompagnement de la BGE. »
Aujourd'hui, Blandine Bonte propose des formations en communication
et développement personnel. Par la suite, elle poursuit son
évolution vers une certification de coach. « J'ai
toujours été attirée par l'humain et je savais que j'en ferai mon
métier. Aujourd'hui,
cette nouvelle vie professionnelle m'offre une qualité de vie et un
bon équilibre entre vie personnelle, familiale et professionnelle.
Lorsque je ne suis pas en face à face, je
travaille à domicile sur les heures de classe, je n'ai plus à me
dépêcher pour m'occuper de ma fille : on prend le goûter ensemble,
je suis présente pour les devoirs. C'est
un renouveau professionnel qui donne du dynamisme !”
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