Livre Sous l'escalier, d'Emmanuelle Piquet / Odile Barrière |
Le harcèlement ne se passe pas qu'au
collège ou lycée. 30% des cas signalés dans le Nord concernent des
enfants de l'école primaire, de tout type de quartier*. Comment
détecter chez nos enfants les signes d'un tel mal-être ? Comment
les aider ? Peut-on faire de la prévention ? Rencontre avec des
professionnels et parents.
Selon le Ministère de l'Education
Nationale http://www.agircontreleharcelementalecole.gouv.fr : «Le harcèlement est une violence répétée qui peut
être verbale, physique ou psychologique. (…) Elle est le fait d'un
ou plusieurs élèves à l'encontre d'une victime qui ne peut se
défendre. Lorsqu'un enfant est insulté, menacé, battu, bousculé
ou reçoit des messages injurieux à répétition, on parle donc de
harcèlement. » La maman
de Marguerite 9 ans témoigne : « En CE1, à la
cantine, une de ses copines lui mettait dans son assiette tout ce
qu'elle n'aimait pas. Ma fille devait alors manger double ration,
sinon elle se faisait gronder par les animateurs. » Profil
des harcelés ? « Des enfants avec une fragilité –
physique ou morale – que les harceleurs, eux-même en souffrance,
démasquent très rapidement » précise Tatiana Lecuret,
psychopraticienne.
Des signes
La petite victime a alors souvent
l'intuition que si un adulte intervient, cela va aggraver le
problème. D'où son silence qui peut durer. Pour autant, des signes
vont traduire son mal-être comme le précise Emmanuelle Piquet,
psychopraticienne : «L'enfant va ressentir des angoisses, devient
plus irritable, le dimanche soir il ne voudra plus aller à l'école.
Les parents constatent des décrochages de notes, des attitudes plus
provocantes ou un repli de soi. L'enfant peut même
réclamer de changer d'école.» La maman de Victor se
souvient de ces années de harcèlement en CM1 et CM2 : « Avant
qu'il en parle, on l'a vu changer, être sur la défensive, ne plus
avoir de copains, ni être invité aux anniversaires. » Que
faire alors ? Les professionnels rencontrés déconseillent aux
parents de la victime et du harceleur de résoudre eux-même la
situation. L'Education Nationale incite plutôt les parents à
échanger avec le médecin traitant et/ou avec l'école. Un protocole
existant depuis 2012 sera alors mis en place.
Protocole à l'école
Francis Arnould, Inspecteur de
l'Education Nationale dans le Nord, en donne les détails : « Le
chef d'établissement recevra séparément le harcelé et le
harceleur, chacun avec leurs parents. Puis le harceleurs sera
sanctionné ou non. Si la situation est complexe, la famille peut
contacter le 0 800 59 11 11 : une assistante sociale et une
infirmière du Nord seront à son écoute. Puis un signalement peut
être transmis via ce numéro vert à l'inspecteur du département
qui prendra contact avec l'école et la famille pour résoudre la
situation. » Parallèlement,
depuis 2012, un dispositif a été mis en place pour former les
écoles à gérer le harcèlement scolaire. Si aujourd'hui, les
professionnels de l'éducation ont été bien sensibilisés, Francis
Arnould constate que « des efforts restent encore à
faire au sein des écoles, en terme de prise en charge. Une
situation de harcèlement peut d'ailleurs être symptomatique d'un
dysfonctionnement de l'école ou d'un enseignant.» Mais d'autres
pistes existent (voir encadrés), notamment en terme d'accompagnement
psychologique pour aider les parents
à être plus à l'écoute de leurs enfants et pour renforcer
la confiance en soi de l'enfant. Ce qui lui permettra d'éviter ou
d'enrayer de lui-même le cercle
infernal du harcèlement. Anne Henry-Castelbou
*Source : Direction des services départementaux de l'éducation
nationale du Nord
Emmanuelle Piquet, psychopraticienne à Lyon, cabinet C-Sco |
Laisser l'enfant se débrouiller
seul.
Emmanuelle
Piquet, psychopraticienne à Lyon au C-Sco (Centre spécialisé dans
le traitement de la souffrance scolaire, ex CRISS) et formée aux
thérapies brèves, fait un retour d'expérience : « Je
rencontre les enfants harcelés trois ou quatre fois, pour leur
donner des flèches ou parades verbales qui fonctionnent comme au
judo : on s'appuie sur ce que dit l'agresseur pour le retourner
contre lui. Les deux enfants vont alors vivre une expérience
émotionnelle durant laquelle l'agresseur va se rendre compte qu'il
prend un risque s'il continue à harceler sa victime. Grâce à cette
capacité d'affronter verbalement son agresseur, la victime va aussi
changer de posture physiquement, ce qui tout de suite impressionnera
le harceleur. Il n'est toujours pas utile d'intervenir auprès de
l'enseignant. Il vaut mieux laisser l'enfant se débrouiller seul.
Cela va l'aider à se construire, il se rendra compte qu'il peut
prendre en main sa vie sociale. Et le parent doit rester un
partenaire : il n'interviendra qu'avec l'accord de son enfant. Cette
confiance créée peut alors libérer la parole de l'enfant.»
Conférence d'Emmanuelle Piquet sur le harcèlement à l'école sur
le site www.tedixparis.com (11 mn).
Tatiana Lecuret, psychopraticienne, à Villeneuve d'Ascq, Cabinet Cap MVE |
Encadré 3 : L'importance de
l'écoute active des parents
Tatiana Lecuret, psychopraticienne à
Villeneuve d'Ascq (cabinet Cap MVE www.capmve.org) et formée à l'écoute active
pour améliorer la communication parents/enfants : « Un
enfant qui va mal, pourra devenir harcelé ou harceleur. Certains
enfants vivent des situations difficiles en famille. A l'inverse,
dans des familles aimantes, ils ne se sentent pas forcément assez
valorisés et aimés. C'est alors important d'être dans l'écoute
active, de mettre régulièrement des mots sur les sentiments que
vivent les enfants, sans être dans un questionnement permanent :
« J'ai l'impression que tu ne vas pas bien en ce moment, on
peut en parler ... » Éviter de donner des conseils mais amener
l'enfant à trouver lui-même la solution. Cela permet de travailler
sur la confiance en soi. »
Plus d'informations :
Livres :
* Te laisse pas faire, Emmanuelle
Piquet, Ed. Acte Sud., à destination des parents d'enfants victime
de harcèlement
* Langages d'amour des enfants,
Gary Chapman et Ross Campbell, Ed. Farel, pour aider les parents à
combler les besoins affectifs de leurs enfants.
* Et si on s'parlait du harcèlement à
l'école, destiné aux enfants
de 7 ans, téléchargeable gratuitement sur le site de l'UNICEF
France, rubrique Éducation : www.unicef.fr
* Sous l'escalier, destiné aux enfants, disponible sur le site www.souffrance-scolaire.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire