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jeudi 26 mai 2016

L'archevêque de Mossoul réclame un soutien politique

Monseigneur Nicodemus Daoud Sharaf (à droite)
accompagné d'un prêtre syrien 
Interview exclusive de Monseigneur Nicodemus Daoud Sharaf, dernier archevêque syriak orthodoxe à quitter Mossoul en Irak en juin 2014, alors que la ville tombait aux mains de l’organisation terroriste Etat islamique.

Il est de passage en France et en Belgique devant le Parlement Européen jusqu’au 27 mai 2016, pour sensibiliser les européens sur le sort des chrétiens d'Irak et demander un soutien politique.

Cela se passait lundi dans les studios de RCF Nord de France à Lille.
Pourquoi venez-vous nous voir ?
Je suis en Europe pour dix jours, je reste jusqu’au 27 mai entre Paris et Bruxelles, ce voyage a été organisé par l’association SOS chrétien d’Orient, pour essayer de témoigner de la situation des chrétiens, en Irak et dans la Plaine de Ninive plus particulièrement.

Quelle est la situation des chrétiens en Irak ?
C’est sur que, ce que vivent les chrétiens en Irak est très dur. On peut même qualifier la situation de génocide, quand on perd toute notre histoire en quelques jours. On vit une très mauvaise situation. 

Connaît-on le nombre de chrétiens qui ont fui l’Irak ? Et pour ceux qui restent, comment vivent-ils leur foi ?
En réalité, si on veut savoir combien il y a de chrétiens en Irak, on doit remonter à 2003, date à laquelle l’Irak comptait 1, 6 millions de chrétiens. Du fait de l’absence de gouvernement en Irak, et l’absence de loi, aujourd’hui, le nombre de chrétiens est passé de 1,6 millions à 300 000 chrétiens. Depuis les attaques répétées de Daesh, il y a beaucoup de chrétiens qui ont fui vers la Turquie, la Jordanie et le Liban. Les chrétiens qui sont restés en Irak vivent dans une situation très mauvaise. Beaucoup d’entre eux vivent dans des caravanes et dans des maison partagées. Il y a environ 2000 familles qui vivent dans des caravanes, dans de très mauvaises conditions. Il y a 5000 familles qui vivent dans mille maisons. Donc, environ cinq familles par maison. Les chrétiens ont tout perdu, leur maison et tout ce qu’ils possédaient. Dans la plaine Ninive, les 160 000 chrétiens ont été chassés de chez eux. Cette situation bouleverse le coeur même des familles étant donné qu’il n’y a plus d’intimité. Cela touche la stabilité de la famille. 
L'archevêque avec la journaliste Anne Henry et la traductrice

Sans l’église, les chrétiens d’Irak auraient été dans une situation encore plus difficile. Il n’y a personne d’autre qui les aide.  Quand je dis, « personne d’autre que l’église », je veux dire le gouvernement, et surtout le gouvernement de Bagdad qui est complètement absent. Le gouvernement du Kurdistan irakien a essayé de nous aider mais il n’a pas assez de moyen. C’est sur que l’on remercie le gouvernement du Kurdistan irakien qui nous a ouvert ses portes et nous a accueillis. Même si le Kurdistan est considéré comme notre terre, étant donné que nous sommes les habitants originels de l’Irak, on est passé du statut d’habitants originels de la terre d’Irak à celui de minorité et enfin à celui de réfugié dans notre propre pays.  

Y-a-t-il des endroits où les chrétiens peuvent vivre en paix ?
Aujourd’hui, il y a le Kurdistan irakien où les chrétiens peuvent pratiquer leur religion comme ils le veulent. Et à Bagdad, les chrétiens peuvent encore , si on peut le dire, pratiquer leur religion d’une façon plus ou moins bien. 

Y-a-t-il des célébrations régulièrement ?
Oui, il y a des célébrations, mais au Kurdistan, c’est plus simple qu’à Bagdad.

Depuis que vous avez fui Mossoul, où vivez-vous et quelle est votre mission ?
J’ai du quitter Mossoul le 9 juin 2014, je suis parti au Kurdistan irakien où je vis aujourd’hui à Erbil Elkawa. Je ne suis pas juste l’archevêque de Mossoul, je suis également l’archevêque de Kirkouk et du Kurdistan irakien. Mais le siège principal reste Mossoul. J’ai été obligé de quitter Mossoul mais je n’étais pas le seul à avoir quitté la ville. J’ai attendu que tous mes fidèles partent avant moi. Par contre, j’étais le dernier archevêque à quitter la ville.

On sent beaucoup d’émotion face à cette situation difficile de 2014. Aujourd’hui, vous menez votre mission comme archevêque dans le Kurdistan Irakien. Travaillez-vous également avec les autorités pour essayer de protéger les chrétiens ?
Au Kurdistan, il y a une certaine sécurité, pas juste pour les chrétiens, mais de façon générale pour tout le monde. Depuis 2003 jusqu’à aujourd’hui, au Kurdistan, il y a une certaine sécurité plus qu’ailleurs en Irak. Les gens se sentent protégés. Dans le reste du pays, il n’y a pas vraiment de sécurité. 

On sait que Mossoul est encore occupée. Mais les forces américaines et irakiennes tentent de la reprendre. Si Mossoul est libérée, quels sont vos projets ?

Ca faut deux ans que l’on nous parle de la libération de Mossoul et jusqu’à maintenant, il n’y pas eu de libération. Honnêtement, on a perdu confiance dans les paroles des hommes politiques. Mais si Mossoul est libérée, on n’y retournera pas s’il n’y a pas une loi qui nous protège. On a perdu confiance dans notre voisin. Par exemple, mon voisin est un sunnite arabe à qui je donnais de l’électricité parce qu’en Irak, on a un problème d’électricité. Ce même voisin, c’est lui qui a cassé la croix dans ma cathédrale. Aujourd’hui, ma cathédrale a été transformée en mosquée. C’est la mosquée des moudjahidins. Ils n’avaient pas forcément besoin de mosquée car aux alentours de la cathédrale, il y a déjà trois mosquées.  Mais c’est pour casser l’existence de l’homme chrétien sur cette terre. 
Lors de l'enregistrement

On a perdu confiance en ce qui reste à Mossoul. On y retournera s’il y a une loi, s’il y a une protection pour garantir notre existence. Aujourd’hui, nous les chrétiens, on compte encore moins. On ne veut plus perdre de personnes. Nous, en tant que chrétien, et chrétien d’Orient particulièrement, on n’est pas prêt à vivre dans un endroit sans loi parce que on n’a pas la culture de tuer. Nous, on est plus dans l’éducation et l’enseignement. C’est pour ça, sans loi qui nous protège, on n’est pas prêt à revenir. La libération de Mossoul, c’est un premier pas et c’est le pas le plus simple. Les étapes d’après seront les plus difficiles. Parce qu’aujourd’hui, la pensée des habitants arabes sunnites, c’est la pensée du refus de l’autre. C’est pour ça que l’on ne pourra pas cohabiter ensemble sans une loi qui soit forte. S’il y a une loi après la libération, c’est sur, on rentrera à Mossoul qui est notre terre. Mais une libération sans loi qui ne nous protège pas, on n’y retournera pas. Un retour sans dignité, c’est impossible. Parce que si on a réussi à faire fuir nos fidèles une première fois, on ne pourra pas le faire une deuxième fois.

Monseigneur, je sais que l’archevêque syrien catholique de Mossoul, Monseigneur Petrus Mouché,  avait lancé un appel en octobre dernier aux européens pour accueillir des familles irakiennes chrétiennes. Lancez-vous le même appel ? Avait-il fonctionné ?

En réalité, je ne peux pas demander cela. Si l’archevêque Mouché a demandé ceci, il faudra lui demander pourquoi il a fait cette demande. C’est sur que toute personne arrivant en Europe, doit être acceptée. Mais je ne demanderai pas que les chrétiens migrent vers l’Europe. Nous sommes les premières racines de la chrétienté en Orient. Nous sommes les premiers témoins du christ en Orient. On ne peut pas mettre fin aux racines chrétiennes d’Orient. Si on perd les racines de la chrétienté en Orient, c’est un danger aussi pour l’occident, parce qu’on va perdre notre terre et on va vivre comme des étrangers dans ces pays. Celui qui souhaite nous aider, il doit nous aider à rester chez nous en dignité. 

Justement, comment peut-on vous aider ?
Premièrement, il faut un gouvernement à Bagdad qui ne soit pas un gouvernement de voleur. Tout le monde sait que le gouvernement actuel de Bagdad est une fabrication occidentale. Personne ne nous fera croire qu’il y a eu des élections et que le peuple a voté. C’était une pièce de théâtre. Depuis 2003 jusqu’à aujourd’hui, il y a eu six gouvernements différents. Mais c’étaient des gouvernements de chaises musicales. On changeait de places avec un recyclage de personnes.

En-dehors de l’aspect politique, si des auditeurs souhaitent aider les chrétiens d’orient, y-a-t-il des choses que l’on peut faire, en tant que citoyen ?

Sans un soutien politique des pays occidentaux, l’aide qu’on va recevoir ne sera pas complète. Nous n’avons pas juste un problème pour boire ou manger. Les ONG et les associations étaient là dès les premiers jours aux côtés de l’église pour aider de façon quotidienne, pour donner à boire et à manger. Mais aujourd’hui, la vie, ce n’est pas juste boire et manger. La vie aujourd’hui, c’est vivre en dignité. Aujourd’hui, en Irak, il y a une plaine avec  des villages, c’est la plaine de Ninive. Ce sont des villages chrétiens. Nous, on souhaite retourner dans ses villages qui nous appartiennent et avoir une protection internationale dans ces villages, jusqu’au jour où l’on aura la possibilité de nous protéger par nous-mêmes. La plaine de Ninive, ce sont des villages qui nous appartiennent. Les sunnites ont leur terre, les chiites ont leur territoire, les kurdes ont leur territoire. Nous, les habitants originels de ce pays, on n’a pas notre territoire. 


C’est sur que l’on ne peut pas oublier l’association SOS Chrétien d’Orient qui nous a aidés dès le premier jour. On souhaite bénir leur famille, eux, en tant que jeunes, pour l’aide qu’ils nous ont fournie dès le premier jour. On ne peut pas oublier aussi les donateurs de l’association. Et merci à la radio RCF pour le temps que vous nous avez accordé.   

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